Est-il si important de se rendre compte à quel point la réalité que nos sens perçoivent est erronée, que nous ne pouvons pas être certain de ce que nous entendons, voyons ? En considérant à quel point l’humain a horreur du doute, nous pourrions répondre dans un premier temps que non. Pourtant, cette ignorance globalement présente dans la société semble faire bien des dégâts. Au niveau individuel, approfondir cette question peut redonner des marges d’action indéniable pour nous aider à mener à bien nos projets.
Comment tout cela fonctionne-t-il?
La grande majorité de nos désirs, de nos blessures, de nos pensées, de nos projections ou encore de nos émotions découle de nos croyances qui différent de la réalité. La réalité est entendue comme “ce qui existe indépendamment du sujet, ce qui n’est pas le produit de la pensée” et la croyance comme une “certitude plus ou moins grande par laquelle l’esprit admet la vérité ou la réalité de quelque chose” (définitions du CNRTL).
Une multitude de phénomènes joue sur l’incapacité de notre cerveau à capter réellement la réalité. Tout d’abord, tout ce que nous percevons sont captés par nos sens. Toutes ces informations captées sont traitées et filtrées par le subconscient. Par conséquent, tout ce que nous voyons, entendons, ressentons, ne sont pas une donnée absolue de la réalité mais une interprétation de celle-ci par ce subconscient.
Vous en doutiez ? Intéressez-vous à l’hypnose. Si votre inconscient est persuadé être en train de toucher un objet brûlant, une cloque apparaitra aisément ! Aussi, pensez à toutes ces fois où vous étiez persuadé(e) d’avoir entendu tel mot là où votre interlocuteur affirme en avoir dit un autre, soit parce que son cerveau est persuadé d’avoir dit ce mot même si un autre fut prononcé, soit parce qu’il a vraiment prononcé ce mot et vous entendu un autre. Toutes ces réalités sont justes, car elles sont « justement » l’interprétation que chacun en a faite.
Une interprétation qui possède de grands biais subjectifs. En effet, parmi les filtres effectués par le subconscient, il y a celui de la confirmation des croyances de base. C’est-à-dire qu’il sélectionnera prioritairement, dans une situation donnée, les informations qui viendront confirmer ce qu’il pense déjà. Il ne faut pas sous-estimer la dose d’énergie et de travail que demandera une remise en doute de nos croyances !
Aussi, nous voyons la réalité à travers nos traumatismes. Par exemple, si nous avons vécu durant l’enfance une blessure d’injustice, notre cerveau sera câblé sur la recherche d’informations qui viendraient résonner avec cette blessure. Par conséquent, pour une même situation donnée, nous ne nous attarderons pas sur les mêmes détails que d’autres personnes, qui, de leur côté, s’attarderont sur d’autres que nous pourrions bien même pas avoir remarqué !
De la même manière, selon le psychologue Beck, le cerveau d’individus pour qui leur avis sur eux-mêmes est dépréciatif (estimant être en échec, ou inadapté à la société) sélectionne, filtre et interprète l’information en donnant un sens dépressif aux événements.
La conséquence de tous ces mécanismes est que nous percevons donc principalement ce que nous croyons.
Les difficultés rencontrées
Ce phénomène de certitude sur nos croyances peut créer des difficultés à plusieurs niveaux. Nous citerons celles qui nous semblent les plus prioritaires.
Rappelons d’abord que notre cerveau va automatiquement chercher la cohérence et tenter de valider ce qu’il pense déjà. Or, ce mécanisme peut être un inconvénient si des blessures trop importantes envahissent notre inconscient. Si nous croyons par exemple être nul(le), incompétente, alors le cerveau piochera dans la réalité tout ce qui pourrait aller en ce sens et ne manquera pas de nous les envoyer au conscient, et ce de façon exagérée !
Quand bien même nous prenons conscience des biais négatifs de lecture de la réalité, et que nous mettons le doigt sur une habitude du cerveau qui nous fait du tort, celle-ci ne se laissera pas tordre facilement. Car le sentiment de cohérence dans nos pensées va aussi participer à notre sentiment d’identité, de personnalité. Et nous sommes facilement attaché(e) à notre identité ! Au point de retarder par moment longtemps le changement souhaité.
Ce manque de recul sur nos croyances peut aussi poser des problèmes relationnels. Être certain de posséder la vérité, sur le monde, sur ce que nous entendons, voyons, sur ce qui est “bien”, “mal”, diminue les capacités d’empathie, de compréhension et d’ouverture sur la réalité vécue par les autres. Combien de fois avons-nous était certain qu’une personne avait dit telle phrase, que son intention était bien “celle-ci” envers nous, sans omettre aucun bénéfice de doute. Combien de gens ont cru cela envers nous aussi. Et combien de conflits en sont nés. Nous jugeons souvent aussi durement une personne, alors que nous ignorons le comportement que nous aurions eu à sa place si nous avions vécu l’entièreté de ce qu’elle a vécu, avec sa propre sensibilité, ses propres traumatismes.
Les solutions, me voilà !
Comme pour tous mécanismes du cerveau, celui en lien avec notre perception de la réalité peut s’avérer salvateur si nous apprenons à mieux le connaître et à l’apprivoiser.
Mais soulevons d’abord un point: il est normal, et inévitable de fonctionner avec des croyances. L’enjeu n’est donc pas de développer un super pouvoir qui effacerait tout filtre subjectif de la réalité, mais d’apprendre à prendre du recul sur nos croyances pour regagner en bien être et en marge d’action.
Apprenons donc à le comprendre. A l’observer. Imaginons que le cerveau soit comme un terreau fertile, et la composition de ce terreau est notamment le fruit de nos blessures et habitudes (de pensées ou encore d’émotions). Imaginons que toutes les informations que nous captons (visuelles, auditives…) sont, quant-à-elles, des graines. Ces graines sont plus ou moins fertiles dans notre terreau cérébral en fonction de la composition de celui-ci. Il est important d’observer le type de graines auquel notre esprit offre sa fertilité, afin de pouvoir modifier la composition de notre terrain pour le préparer à recevoir des semences plus bénéfiques pour nous.
Tout d’abord, nous pouvons préparer notre esprit à retenir les semences « positives ». C’est à dire : faire en sorte que nos habitudes de biais d’interprétation de la réalité soient plutôt positifs que négatifs. Ces biais positifs aideront notamment à regagner confiance en soi , à récupérer de l’énergie et des marges d’action pour entreprendre plus facilement les actions souhaitées. Il est d’autant plus important de développer des croyances positives que, rappelons-le, notre cerveau cherche inconsciemment à réaliser ce qu’il pense être vrai.
Si vous sentez que les croyances sont liées à des blessures profondes qui résistent à votre démarche de changement, il peut être aidant d’expérimenter l’aide d’un thérapeute ou de travailler soi-même dessus notamment via l’auto-hypnose.
Si vous êtes persuadé(e) de l’intérêt de travailler sur vos croyances mais que vous ressentez des difficultés à vous mettre en action, vous pouvez aller voir l’article dédié au sujet de la motivation et observer aussi ce qui bloquerait cette motivation. Y aurait-il, par exemple, une problématique de temps, d’énergie, ou d’autres peurs ou désirs qui s’opposeraient au changement que vous souhaiteriez mettre en place ?