Le temps est notre précieux et plus vieux ami. Il est la vie qui passe, là où tout se passe. Mais notre rapport au temps n’est pas forcément des plus paisible, de surcroit imbriqué dans des dynamiques sociétales qui ont tendance à se presser. Et notre volonté de changer peut parfois s’y retrouver bloquée.
Comment tout cela fonctionne-t-il ?
Il y a des temps que les humains peuvent raccourcir, comme leur déplacement ou encore certaines tâches. Il y en a d’autres où notre nature même résiste à toute accélération de celui-ci : le temps dont le corps a besoin pour bien se guérir, tel que pour combattre un virus qui est d’environ une semaine), pour grandir, pour formuler des pensées et analyses de qualité, pour accepter sans trop stresser des changements, se réhabituer à un nouvelle situation et reprendre ses habitudes, pour digérer des aliments, pour récupérer de l’énergie durant le sommeil ou encore pour bien effectuer des processus de deuil. Des études peuvent donner des moyennes temporelles sur tous ces aspects, mais ces temps restent très variables d’un individu à l’autre, en fonction du tempérament de chacun mais aussi de nombreux autres paramètres comme la santé ou l’énergie.
Le temps a aussi un aspect « sociétal« . En effet, de tous temps les sociétés ont régulé ce temps, les êtres humains n’étant donc pas invités à disposer entièrement et librement de celui-ci. C’est bien notre temps qui est acheté par le travail ou qui est réquisitionné pour nous éduquer.
Si ce temps comporte une partie sous forme d’obligation sociétale, il aurait aussi une partie « libre » où nous pourrions en disposer comme bon nous semble. Le mot libre est mis entre guillemet pour souligner sa relativité, car cette partie peut se remplir malgré nous par d’autres obligations et influences extérieures en fonction notamment de nos conditionnements et croyances respectifs.
Notre rapport aux temps doit s’équilibrer aujourd’hui avec celui de la société pris dans une course contre la montre. En effet, si nous regardons la courbe d’activité de la consommation d’énergie primaire, des télécommunications, du PIB réel, du transport, ou encore du tourisme international pour ne citer qu’elles. Entre 1750 et 1950, toutes ces courbes sont légèrement ascendantes, presque plate. Entre 1950 et 2000, elles deviennent exponentielle.
Cela veut dire que dans ce laps de temps court, tout a augmenté considérablement : le nombre et la fréquence par heure de personnes se déplaçant et voyageant, d’appels téléphoniques, de production etc. C’est comme si, sur une durée d’une heure, les humains s’activaient 10 fois plus qu’auparavant! Certes, beaucoup de machines s’activent pour nous, mais elles sont loin d’avoir pu absorber à elles seules la quantité de travail et d’interactions que toute cette dynamique implique.
Un rythme qui est devenu un nouveau mode de vie. Nous sommes en effet accoutumé(e) à vouloir que tout aille plus vite: la rapidité des services, du transport, ou même notre propre réussite. Cette rapidité entraîne de surcroît un sentiment de puissance, de pouvoir voyager loin et vite, ou encore de discuter rapidement avec un grand nombre de personnes.
Nous sommes aussi habitué(e) à devoir travailler un certain temps pour payer les services et matériels afférents: l’avion, la voiture ou encore les téléphones de dernière génération. Si le travail prend beaucoup de temps, alors la société propose des services pour garder nos enfants, nous permettre de cuisiner plus rapidement etc. Des services et produits qui ont un coût, demandant donc souvent de trouver plus de temps pour travailler, et ainsi de suite. Des dynamiques qui peuvent bien se combiner avec nos aspirations de vie, et par moment y apporter des problématiques.
Les difficultés rencontrées
Cette dynamique temporelle sociétale peut être tout à fait en accord avec nos besoins, mais aussi en désaccord. En effet, en fonction des situations de chacun, ce manque de temps à donner à sa famille, à soi-même peut peser lourdement sur le moral et être donc la principale problématique à solutionner.
Aussi, cette pression du temps crée souvent du stress. Une dose de stress qui peut se rajouter à d’autres quotidiennes, venant littéralement empoisonner le corps, jouant tout autant sur le physique que le moral.
Rappelons aussi qu’au delà du stress, l’être humain a besoin (tel qu’étudié dans l’article sur l’énergie ) de pouvoir être “mentalement” au repos, même la journée, pour pouvoir être en bonne santé. Pour des personnes constamment « connectées » (à leur travail, à des projections ou ruminations négatives…) qui ont perdu l’habitude de prendre le temps de mettre leur cerveau au repos, une perte d’énergie et de moral importante peut apparaître.
Un phénomène psychosociologique a aussi été étudié sur le manque de temps : lorsque l’être humain est soumis à la pression du temps, il se déshumanise et ne respecte plus ses convictions profondes, tel que l’ont démontré des chercheurs de Princeton dans une étude nommée le bon samaritain.
Une pression du temps qui, plus globalement, peut venir aussi contrarier toute volonté et désir de changement car le changement demande inévitablement qu’on lui accorde du temps pour se mettre en place.
Par ailleurs, des malentendus peuvent s’effectuer sur le lien entre bonheur et temps. En effet, avoir une vie bien remplie apporte au cerveau une sorte de frénésie. Mais cette frénésie entraine des effets secondaires délétères. En effet, tel qu’étudié notamment par la sociologue Nicole Aubert, la rapidité peut être « un moyen pernicieux de s’occuper l’esprit pour ne pas faire face au vide de notre existence ».
Un mécanisme qui permet donc d’éviter d’affronter nos problèmes, mais qui nous expose alors au risque de rester dans un mal être profond et latent. Et plus nous nous habituons à avoir l’esprit continuellement occupé et diverti, et à ne pas travailler sur nous-même, moins il sera facile d’inverser la tendance.
Les solutions, me voilà !
S’il devient nécessaire de travailler sur nous pour impulser un changement, comme par exemple sur une blessure ou sur notre estime de nous-même, et que le blocage est le temps, ou que nous avons tout simplement besoin de trouver du temps pour notamment baisser notre niveau de stress et rétablir notre santé, alors il est temps de retrouver ce temps !
Observons quels sont les principaux facteurs qui nous empêchent aujourd’hui de trouver du temps ? Serait-ce nos croyances et peurs sur l’infaisabilité de changer de travail, de gagner moins d’argent ? N’y a t-il pas des solutions, certes profondément transformatrices, qui nous permettraient de gagner moins d’argent, de travailler moins ? De simplifier notre vie, de la ralentir, pour notamment diminuer la lourdeur administrative qu’implique chaque activité entreprise ?
Qu’est ce que tous ces changements risquent d’impliquer sur le jugement que les autres porteront sur nous, sur notre propre image de nous-même, de sentiment de réussite ? Si ces questions ont une réponse négative, il sera alors intéressant de travailler préalablement sur ces aspects-là avant de pouvoir entreprendre de réels changements qui nous permettront de gagner ce précieux temps.